La Fed prise au piège ?

Depuis décembre dernier, la rhétorique de la Réserve Fédérale et de son Président, Jerome Powell, s’est considérablement durcie. Plus question de qualifier l’inflation de « transitoire ». Devant l’envolée des prix – près de 9% en rythme annuel à fin mars 2022 – les grands moyens sont annoncés.

Après une première hausse de 0,25% le mois dernier, la Fed envisage désormais de monter ses taux chaque mois et d’accélérer très vite puisque le 20 avril, Jerome Powell lui-même assurait publiquement pour la première fois qu’une hausse de 0,5% était sur la table dès le mois de mai 2022.

James Bullard, le très orthodoxe président de la Fed de Saint-Louis, préconise même des hausses allant jusqu’à 0,75% lors des deux prochaines réunions. Certains membres du conseil de politique monétaire de l’institution de Washington envisagent de porter les taux à 3% d’ici la fin de l’année, soit l’équivalent de 12 hausses de 0,25% ! Sans surprise, notre indicateur MMS Montpensier de conditions monétaires est entré en territoire négatif depuis plusieurs mois, indiquant une dégradation très nette des conditions de financement du pays.

Notre indicateur MMS des conditions monétaires  est devenu beaucoup moins accommodant

Source : Montpensier Finance / Bloomberg au 22 arvil 2022

Et ce n’est pas tout : le bilan de la Fed, qui a plus que décuplé depuis 2008 à 9000 milliards de dollars, gonflé par les plans d’achats d’actifs successifs, devrait baisser à partir de ce mois-ci de 95 milliards de dollars en rythme mensuel. En synthèse, un resserrement monétaire massif est annoncé, le plus radical depuis 1994 à l’époque d’Alan Greenspan.

La Fed n’a pas le choix, elle doit agir vite et fort car la pression politique est immense dans l’optique des élections de mi-mandat de novembre prochain qui pourraient immobiliser toute tentative d’action de l’administration Biden en 2023 et 2024 si le Sénat, voire la Chambre des Représentants, retournaient dans le camp républicain. Jerome Powell a donc endossé les habits de Paul Volcker – pour lequel il n’a jamais caché son admiration – celui qui en 1979 avait sonné la charge contre l’inflation, au prix d’une montée stratosphérique des taux, à 20%.

Mais le piège se referme, inexorable. D’abord, très directement, via la dette. La dette fédérale, à plus de 30000 milliards de dollars, représente largement plus de 100% du PIB de 2021. Le poids sur l’Etat fédéral n’a donc rien à voir avec les 22% de décembre 1979 et l’envolée des taux pourrait vite être insupportable si la Fed respectait son plan de route annoncé. Et le taux d’emprunt immobilier à 30 ans vient de passer 5,30%, au plus haut depuis plus de 10 ans au plus haut depuis 2009. De quoi sérieusement refroidir ce secteur crucial pour l’économie américaine.

Mais la conséquence la plus importante de cette normalisation à marche forcée, à horizon six mois – le temps que les changements impulsés à la politique monétaire se répercutent pleinement dans l’économie – est le ralentissement rapide de l’activité Outre-Atlantique.

Déjà, notre indicateur Montpensier MMS de Momentum économique, à 47, montre une dynamique en très nette baisse. Ce coup de frein est également confirmé par l’indicateur avancé pour le deuxième trimestre 2022 de la Fed d’Atlanta, qui anticipe une très faible croissance de 0,4%. Quant à la croissance au premier trimestre, elle est déjà ressortie négative à -1,4%. La récession menace et vite.

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