Aux Etats-Unis, la montée des prix énergétiques repousse le pic d’inflation

  • Les marchés ont fortement chuté la semaine dernière devant le ton plus agressif de la BCE et surtout devant les craintes de voir l’inflation américaine rester plus élevée que prévue, poussant la Fed à agir avec plus de force. Il n’y avait pas vraiment un endroit pour se protéger sur le marché si ce n’est, parmi les actifs les plus usuels, l’or et le dollar qui servaient donc de valeur refuge. Nous restons convaincus que nous sommes dans une période d’assez grande incertitude concernant les perspectives économiques futures, entrainant des interrogations sur la réponse que les grandes banques centrales doivent apporter face à cette phase de forte hausse de l’inflation. Ainsi, les taux souverains ont connu une forte poussée haussière en fin de semaine et les bourses ont chuté lourdement, alors que les segments très spéculatifs, comme celui des crypto-monnaies continuaient à s’écrouler.  Nous restons plus que jamais focalisés sur une exposition plutôt défensive et à la recherche de valeurs raisonnables.
  • Les annonces de la BCE ont malheureusement déclenché, comme nous le craignions, un très fort mouvement d’écartement des spreads des dettes souveraines européennes vis-à-vis de l’Allemagne, dans un mouvement haussier des taux. Comme l’a encore souligné Xavier dans sa note après les décisions de la BCE, le risque de fragmentation dans la Zone Euro reste élevé sans les instruments adéquats pour le contrer. Ainsi, le positionnement plus agressif annoncé par la BCE dans sa trajectoire de normalisation de la politique monétaire risquait de créer cette dynamique d’écartement des spreads. La BCE devra agir avec urgence pour calmer les marchés qui risquent de tester l’institution dans sa capacité à mettre en place les instruments qu’elle a elle-même annoncé pour éviter une transmission désordonnée de sa politique monétaire à l’ensemble de la zone et empêcher ainsi des tensions financières.
  • Les élections législatives françaises ont souligné une fois encore l’importance prise par les partis extrêmes dans le pays et le fort désintérêt de la population pour le scrutin, avec une abstention record dépassant les 52%. La forte poussée de la Nupes, regroupant l’extrême gauche, d’autres forces de gauche et les écologistes, sortie presqu’à égalité avec la majorité présidentielle en nombres de voix, risque de susciter l’inquiétude des marchés. Néanmoins, pour l’instant les projections de deuxième tour donnent toujours la majorité présidentielle comme majoritaire à l’Assemblée nationale, même si celle-ci semble fragile. Toutefois, le programme des Nupes, avec notamment un programme de dépenses publiques très important et un alourdissement de la fiscalité risque d’amener de la volatilité sur le spread français pendant la semaine et évidemment des tensions sur la dette souveraine française. Le spread pourrait évidemment déraper en cas de percée de cette force à l’Assemblée privant les forces soutenant le président de la République d’une majorité.
  • L’inflation américaine a malheureusement surpris à la hausse en mai, s’établissant à 8,6%, soit un nouveau plus haut depuis 40 ans. Surtout, elle a accéléré, dépassant le pic atteint en mars dernier. Cette poussée est essentiellement due à la nouvelle montée du prix de l’énergie. Celle-ci est en partie la conséquence des tensions sur le complexe énergétique suscitées par la guerre, mais aussi des conditions spécifiques au marché américain qui poussent les prix à la hausse. En ce sens, les projections ne sont pas favorables. Les prix de l’énergie devraient rester élevés au moins jusqu’à la fin de l’été. En outre, la dynamique de l’inflation sous-jacente, même si celle-ci a décéléré en glissement annuel, reste inquiétante avec des indicateurs de tendance, comme ceux qui enlèvent les biens avec des évolutions de prix extrêmes, qui restent sur une trajectoire haussière. Nous restons convaincus que le pic d’inflation est proche, même s’il peut être repoussé compte tenu de l’évolution probable des prix de l’énergie. Ces évolutions à la hausse des prix ne sont pas une bonne nouvelle pour la Fed et le marché. Elles risquent de pousser la Fed à maintenir une politique plus agressive tout en amplifiant les risques sur la croissance.

Le conseil des gouverneurs de la BCE a pensé qu’une déclaration d’intention était suffisante pour éviter toute surréaction du marché face à un possible risque de fragmentation au sein de la zone du fait du durcissement de la politique monétaire. Il a eu tort.  En effetla BCE, au travers des déclaration de Mme Lagarde lors de la conférence de presse après les décisions de la semaine dernière, a souligné qu’elle était consciente des risques de fragmentation au sein de la Zone Euro liés à une politique monétaire plus agressive de normalisation. Ainsi Mme Lagarde déclarait :

« …nous voulons une transmission adéquate de notre politique monétaire [à l’ensemble de la Zone Euro], et de ce fait toute fragmentation sera évitée, en ce sens où elle empêcherait cette transmission. »

Malheureusement, le marché constatant d’une part que les mécanismes d’intervention comme le PEPP ou l’APP avaient disparu ou étaient en passe de l’être, et qu’aucun mécanisme nouveau n’avait été mis en place pour éviter un écartement des spreads sur les dette publique des pays de la zone dont la situation budgétaire et économique est la plus fragile, a mis la pression sur celless-ci.

Les pays les plus fragiles, notamment la Grèce et l’Italie ont vu rapidement l’écart des taux entre leur dette souveraine et les taux de la dette allemande s’écarter assez fortement, accentuant la tendance que nous voyions depuis au moins le début de 2022 (voir graphique sur les écarts sur les taux à 10 ans).

La BCE devra adresser avec urgence cette situation. Plus elle tardera plus l’effort à faire sera important si elle veut éviter des situations de tensions fortes sur les dettes de pays de la périphérie. Certes, le sujet de la soutenabilité des dettes ne se pose pas avec acuité vu les niveaux d’inflation, mais une hausse marquée des spreads pose un problème sur la transmission adéquate de la politique monétaire au sein de la zone.

La BCE a plusieurs leviers comptables pour agir de manière spécifique afin d’éviter des mouvements spéculatifs indésirables sur les dettes périphériques, comme une allocation différente du réinvestissement des tombées des titres arrivés à échéance, vu que pour l’instant la BCE n’a pas décidé de réduire son bilan. Néanmoins, elle doit s’assurer qu’une telle décision peut être adoptée par le conseil et que leur « légalité » ne peut pas être remise en cause.

La BCE peut introduire aussi un nouvel instrument spécifique, mais ceci devra être décidé rapidement. Nous pensons, que la BCE pourrait courir un risque à attendre la prochaine réunion de politique monétaire qui n’aurait lieu que le 6 juillet 2022.

L’inflation américaine a surpris à la hausse en mai, s’inscrivant à 8,6% en glissement annuel (g.a.), soit dépassant le pic de mars et au plus haut depuis 40 ans. Evidemment, ce n’est pas une bonne nouvelle. La hausse a été provoquée essentiellement par la poussée des prix de l’énergie. En effet, l’énergie a augmenté de 3,9% sur le mois, donc de 39,6 % g.a.. Certaines composantes dont l’essence et le gaz ont connu des progressions très importantes, mais c’est surtout le fioul qui a connu une progression historique.  Ces hausses reflétaient en partie les tensions liées à la guerre en Ukraine, mais aussi des raisons spécifiques au marché américain. En particulier, devant une demande qui reste très forte, les capacités de raffinage sont contraintes et les marges (« crack spread ») sont donc très élevées. L’agence américaine à l’énergie (IEA) prévoit que cette situation de tension devrait rester importante jusqu’au moins la fin de l’été. De fait, le plus probable, sans choc à la baisse, est que la contribution de l’énergie à la hausse de l’inflation sera aussi importante en juin, poussant l’indice des prix à la hausse.

Alors que les tensions sur le pétrole, c’est-à-dire le risque de hausses supplémentaires, devraient à notre avis s’atténuer, il se trouve que le rapport sur l’inflation donne aussi des mauvaises nouvelles sur l’ensemble des biens. En effet, même si l’inflation sous-jacente ou cœur, hors énergie et aliments, a légèrement reculé en g.a. en mai, ressortant à 6,0%, on constate que les mesure de tendance restent orientées à la hausse.

La mesure de la Fed de Cleveland qui exclut les biens dont les prix subissent les mouvement les plus forts, continue de progresser, atteignant un nouveau plus haut historique à 6,5% g.a.. De même la mesure sur les prix des biens supposés montrer peu de variations, est aussi ressortie plus élevée à 5,2% g.a..

Ces nouvelles ne sont pas bonnes pour le marché. Outre, la crainte d’une Fed plus dure (le marché a ajouté une hausse supplémentaire de taux de 50pb d’ici un an), le marché s’inquiète évidement des conséquences de cette inflation plus élevée sur la croissance.

La courbe des taux d’intérêts s’est aplatie mais l’ensemble des maturités a connu une forte poussée de fièvre.  Le taux à 10 ans a atteint son niveau le plus élevé depuis 2011, à 3,15%. Cette montée des taux a plus traduit la crainte d’une Fed qui monterait les taux directeurs à des niveaux plus élevés qu’une inflation qui resterait plus haute. Ainsi, le marché reste, pour l’instant, convaincu que l’action de la Fed permettra de reprendre le contrôle sur l’inflation. Sûrement donc un soulagement pour la Fed.

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