Corraterie Gestion, une architecture ouverte pour une allocation d’actifs optimale

La rédaction de L’Expert Invest est allée à la rencontre d’un des pionniers de la gestion de fortune indépendante en Suisse. Créée en 1984, Corraterie Gestion est issue de la vision entrepreneuriale et indépendante de la gestion de fortune d’anciens Banquiers. Rachetée en 2013 par le Groupe Eric Sturdza, l’entreprise a su s’adapter aux exigences d’un métier, qui s’est affirmé au fil de ces quatre dernières décennies. Jean-Pierre Lagane et Frédéric Durand respectivement CEO et CIO de Corraterie Gestion, nous décrivent leur approche de la gestion de fortune et partagent leur expertise en matière d’allocation d’actifs.

Avec actuellement près de 1’200 millions d’encours sous gestion, Corraterie Gestion offre un savoir-faire dans trois domaines d’expertise : La gestion de fortune, le family office et la prévoyance professionnelle. La clientèle de Corraterie Gestion est composée d’une vingtaine de grandes familles et d’environ 300 clients individuels. Ces relations sont gérées par une douzaine de Wealth Managers au bénéfice de plus de 20 ans d’expérience en moyenne. « Notre objectif est d’établir une relation de confiance solide et pérenne dans le cadre d’un service véritablement dédié aux clients avec des intérêts alignés dans le temps », souligne Jean-Pierre Lagane. Ouvert aux patrimoines de plus de 25 millions d’euros, le service de Family Office fait exemple en la matière. « Nous proposons des services de Family Office au plus près des attentes et besoins de nos clients, poursuit-il. Notre volonté est de vivre avec les familles en devenant leur cheville ouvrière pour partager avec elles les enjeux patrimoniaux et les accompagner dans l’ensemble de leurs démarches ». Un suivi dédié qui vise à saisir les opportunités et établir des liens transgénérationnels, indispensables à la bonne gestion des affaires familiales.

“La masse des actifs gérés par les gestionnaires indépendants devrait être comparée à celle des actifs gérés dans les Banques par le biais de mandats discrétionnaires”

Jean-Pierre Lagane, CEO Corraterie Gestion

Depuis 2018, Corraterie Gestion affiche une accélération de sa croissance grâce à l’acquisition de l’activité de Family Office de son actuel CEO, Jean-Pierre Lagane, ainsi qu’à la captation d’une nouvelle clientèle particulièrement sensible à l’indépendance de la gestion et des services proposés. « Notre clientèle est convaincue par les bienfaits de la gestion indépendante, représentant le cœur même de notre stratégie », souligne le CEO. Un constat de « terrain » qui est encore mal reflété par le marché de la gestion de fortune. « Aujourd’hui, il est admis que 20% des avoirs des banques sont gérés par des gérants de fortune indépendants, poursuit-il. Cette photographie est réductrice de l’envergure prise par notre métier dans la mesure où la masse des actifs gérés par les gestionnaires indépendants devrait être comparée à celle des actifs gérés dans les Banques par le biais de mandats discrétionnaires ». 


La construction de l’allocation d’actifs, clé de voute de la sélection des investissements 


La gestion d’actifs, assurée par le CIO, est construite à travers une architecture ouverte. Plusieurs raisons justifient cette approche selon lui. « La sélection de fonds externes est nécessaire pour éviter les conflits d’intérêt et permet d’accéder à un nombre important de stratégies d’investissement ouvrant ainsi le champ des possibles pour pouvoir générer de la performance », explique Frédéric Durand.

La sélection des fonds s’organise en trois étapes clés : la construction de l’allocation d’actifs, l’étude des véhicules d’investissement puis leur validation par le comité d’investissement. « Il est empiriquement reconnu que 80% de la performance des portefeuilles provient de l’allocation d’actifs, souligne-t-il. Dans cette logique, nous passons beaucoup de temps à définir en premier lieu notre allocation, puis nous effectuons la sélection de fonds qui permettra de servir au mieux notre stratégie ».

“Il y a peu de chance que le quantitatif ne suive pas dès lors que nous sommes convaincus par la qualité d’un gérant et que l’environnement devient plus favorable à sa gestion”

Frédéric Durand, CIO Corraterie Gestion

L’analyse qualitative constitue le premier filtre de la sélection. En effet, l’objectif de l’équipe de gestion est d’éviter d’exclure des fonds pour des raisons de performances, notamment lorsque le contexte de marché ne joue pas en leur faveur. « Il y a peu de chance que le quantitatif ne suive pas dès lors que nous sommes convaincus par la qualité d’un gérant et que l’environnement devient plus favorable à sa gestion », estime Frédéric Durand.

Au-delà de l’importance de la robustesse des processus de gestion mis en place, cette analyse qualitative est particulièrement déterminée par l’accessibilité du gérant. « Si nous n’avons pas la possibilité de pouvoir parler facilement au gérant, nous n’investissons pas, affirme le CIO. Il est indispensable de pouvoir bien comprendre le comportement d’un fonds et la gestion des risques, notamment dans les périodes difficiles ».

Cette approche limite la sélection de grands fonds pourtant renommés. En conséquence,  la liste recommandée est composée essentiellement de fonds de tailles moyennes (entre 100 millions et 1 milliard) mais avec lesquels l’équipe de gestion a un accès privilégié aux gérants. « Notre liste de fonds est composée d’une majorité de noms que nos clients ne connaissent pas, mais cela est le reflet de la valeur ajoutée de notre travail », considère-t-il.

Le passage en comité d’investissement constitue la dernière étape de la sélection. Il se compose des analystes de l’équipe de gestion ayant étudié les fonds ainsi que des Wealth Managers. L’ensemble des collaborateurs participe à la validation de la sélection définitive. « Nos Wealth Managers sont ainsi systématiquement impliqués dans le processus d’investissement de manière qu’ils s’approprient les fonds qu’ils présenteront tout en étant également les porte-paroles de la sensibilité des clients », poursuit Frédéric Durand.


Un univers d’investissement concentré


Ce processus de sélection de fonds réuni ainsi un univers relativement concentré de 35 à 40 fonds recommandés. « Dès lors que nous sélectionnons un fonds, il nous parait cohérent d’y investir entre 3% et 8%, précise-t-il. De cette manière, nous pouvons affirmer que nous avons confiance en notre processus de sélection ». Par ailleurs, une vingtaine de fonds supplémentaires composent la Watch List du sélectionneur dans le but de pouvoir répondre efficacement aux différentes configurations de marché.

“Dès lors que nous sélectionnons un fonds, il nous parait cohérent d’y investir entre 3% et 8%. De cette manière, nous pouvons affirmer que nous avons confiance en notre processus de sélection”

Frédéric Durand, CIO Corraterie Gestion

Depuis un an et demi, le portefeuille équilibré affiche un biais défensif. Cela se traduit par une exposition aux actions s’élevant actuellement à 42,5% et bénéficiant d’une couverture de 20% du portefeuille, mise en place à travers des stratégies optionnelles permettant de conserver un profil asymétrique : en cas de baisse des marchés, les options prennent de la valeur et atténuent la baisse du portefeuille, alors qu’en cas de hausse, la performance du portefeuille n’est impactée que du coût de la prime payée. La difficulté de cette stratégie réside toutefois dans l’optimisation et la gestion du coût pour un niveau de couverture donné. « Cette structure de portefeuille nous a permis d’être peu affecté par le contexte difficile de ces dernières années, constate Frédéric Durand. A titre d’exemple, depuis le début de cette année, nous sommes parvenus à générer entre 250 et 300 points de performance avec cette stratégie dans un portefeuille équilibré ».

Tout comme les poches matières premières et investissements alternatifs qui sont chacune inférieure à 10% des investissements, l’allocation en fonds obligataires reste également relativement faible à 20%. Elle a jusqu’à présent été essentiellement composée de fonds de crédit à duration courte ou à taux variable pour limiter l’impact de la hausse des taux au sein des portefeuilles. « Notre lecture de l’environnement macro-économique nous a permis d’anticiper suffisamment tôt une situation de renversement des taux d’intérêt, explique Frédéric Durand. Nous avons donc pris la décision de désélectionner de bons gérants obligataires au motif que leur performance n’avait été construite que sur la base de la baisse des taux d’intérêt ». Par ailleurs, la réduction de l’exposition obligataire initiée par l’équipe de gestion a été redéployé au bénéfice de la poche monétaire qui représente elle aussi environ 20% du portefeuille.

Les investissements en Private Equity sont, quant à eux, réservés à nombre limité de clients, en raison des tickets d’entrée élevés et du manque de liquidité associé. « L’engouement récent pour le Private Equity est en grande partie lié aux espérances décevantes de rendements de la partie cotée », estime-t-il. 


Une conviction sur les fonds thématiques


Les investissements thématiques, en particulier sur la transition énergétique, sont en revanche une véritable conviction au sein des portefeuilles. « Cette thématique va selon nous se renforcer à l’avenir à travers les métaux de base, anticipe Frédéric Durand. Le décalage de l’offre et de la demande qui se dessine sera favorable à cette thématique ». Une analyse qui se révèle similaire pour des investissements dans le secteur pétrolier. « En parallèle, nous ne pensons pas qu’il sera possible de sortir des énergies fossiles à court terme et des décalages favorables auront également lieu ». 

Ces convictions questionnent l’approche ESG du CIO, peu convaincu par la pertinence des méthodologies employées actuellement. « Bien que j’adhère totalement à la logique de la finance durable, je ne suis pas en accord avec les multiples méthodes utilisées pour la faire exister, justifie-t-il. Selon lui, les approches en la matière sont encore récentes et ont donc besoin de temps pour être améliorées et éprouvées ».

“Bien que j’adhère totalement à la logique de la finance durable, je ne suis pas en accord avec les multiples méthodes utilisées pour la faire exister”

Frédéric Durand, CIO Corraterie Gestion

Néanmoins, l’équipe d’analystes travaille sur un projet de portefeuille « carbone neutre » et a évalué le caractère durable de l’univers d’investissement du portefeuille existant, révélant un bon positionnement ESG. « Cela nous démontre bien que la Gouvernance est une notion déjà bien prise en compte par les gérants depuis plusieurs années, résume Frédéric Durand. En effet, une société qui performe sur la durée dispose à fortiori d’une bonne gouvernance mais aussi d’une bonne approche sociale ». Un constat plus nuancé pour la partie environnementale, demeurant plus difficile à respecter selon le CIO, compte tenu du contexte géopolitique actuel. 

A l’aube de l’année 2023, l’équipe de Corraterie Gestion a d’ores et déjà mis en place des stratégies « clé en main » pour répondre à trois scénarii, dont un scénario central anticipant une baisse des marchés actions de l’ordre de 15% à 20% depuis les niveaux actuels avant une reprise. « Nous effectuons un travail de pédagogie auprès de nos clients concernant les décisions que nous mettrons en place en fonction des différentes configurations de marché, explique Frédéric Durand. Notre objectif est d’être prêt afin de pouvoir déclencher rapidement et efficacement l’allocation d’actifs adéquate le moment venu ». 

Une approche qui lie plus que jamais l’expertise de l’équipe de gestion à la qualité de la relation client que ce gérant de fortune prend soin de conserver et de faire évoluer depuis presque quarante ans.


A propos de Jean-Pierre Lagane

Membre de la direction générale de Corraterie Gestion, Jean-Pierre Lagane est en charge du développement du Family Office et de la Gestion.

Il dispose d’une expérience bancaire de plus de 30 ans, dont 24 ans dans la gestion. Il est le fondateur de Lagane Family Office SA, qu’il a dirigée durant près de dix ans. Avant de monter son entreprise, Jean-Pierre Lagane a évolué durant 25 ans au sein du Groupe Crédit Agricole, qu’il a rejoint en 1984. Membre de la direction générale de la Banque Privée Crédit Agricole (Suisse), il a assuré la direction de la gestion discrétionnaire et des activités de Front Office, avant de reprendre la tête des activités de la branche Family Office et gérants indépendants. 

Titulaire d’un diplôme d’ingénieur et issu de l’ « Institut Technique de Banque » (Paris). Il a développé tout au long de sa carrière une expertise accrue dans le domaine de la banque privée, de l’analyse et de la gestion des risques. Il bénéficie également d’un solide bagage dans le domaine de l’IT et de l’audit.

A propos de Frédéric Durand

Responsable de l’équipe d’investissement et directeur général adjoint, il possède près de 20 ans d’expertise dans la gestion d’actifs après avoir évolué au sein de la Banca del Gottardo en qualité de gestionnaire, puis comme Investment Manager et CIO au sein de Sesqui Gestion de fortune (anciennement Portailprivé).

Titulaire d’un diplôme en mathématiques et d’une Licence en gestion d’entreprise de l’Université de Genève. Il est également diplômé du Centre pour la Formation des Professionnels de l’Investissement en qualité de Certified International Investment Analyst et membre de l’Association Suisse des Analystes Financiers (SFAA).

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