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Gestion de patrimoine international : une stabilité trompeuse et des défis stratégiques inévitables

Le dernier rapport de Deloitte révèle un paradoxe frappant dans le secteur de la gestion de patrimoine international : si les principaux centres mondiaux semblent résister aux turbulences économiques et géopolitiques, leurs fondations se fragilisent sous le poids d’enjeux structurels et d’évolutions réglementaires. Cette étude invite à réfléchir au rôle de centres historiques comme la Suisse ou Singapour, et souligne des dynamiques qui pourraient transformer en profondeur la gestion de patrimoine dans les années à venir.

La Suisse et la fragilité d’un modèle de référence

La Suisse, bien qu’elle reste le centre de gestion de patrimoine le plus compétitif en 2024, voit son image d’inaltérable « coffre-fort » mise à mal. L’épisode de la crise de Credit Suisse, avec des sorties massives de capitaux (183 milliards USD en un an), montre que la réputation et la stabilité tant vantées peuvent basculer rapidement. Deloitte pointe également une érosion des avantages fiscaux, les pressions pour la transparence fiscale et l’alignement réglementaire, qui remettent en question son statut de centre incontournable. Plus largement, le modèle suisse pourrait être un indicateur avant-coureur des défis qui attendent d’autres centres bien établis.

Singapour : l’attrait de l’Asie face à des limites structurelles

Positionné juste derrière la Suisse, Singapour bénéficie d’un attrait unique pour les fortunes asiatiques et d’un cadre fiscal et réglementaire compétitif. Pourtant, le rapport Deloitte alerte sur des tensions internes, notamment un coût de la vie élevé et une régulation anti-blanchiment de plus en plus rigoureuse qui complexifie l’accueil de nouveaux clients. Avec une croissance limitée du volume des actifs internationaux, Singapour pourrait rapidement se retrouver confronté à des besoins d’innovation plus profonds pour demeurer attractif et s’adapter aux évolutions rapides des économies asiatiques.

États-Unis et Royaume-Uni : opportunisme fiscal et vulnérabilité politique

L’avancée des États-Unis au rang de troisième centre de gestion de patrimoine est un phénomène marquant de cette édition. La stratégie américaine repose sur sa capacité à attirer les capitaux avec une fiscalité attractive (notamment via l’absence de certaines réglementations internationales comme l’échange automatique de renseignements). Cependant, cette politique fiscale avantageuse s’accompagne d’une instabilité interne préoccupante, avec des tensions politiques, une dette publique massive (plus de 120 % du PIB), et une inflation qui mine la stabilité monétaire. L’analyse de Deloitte laisse planer un doute sur la durabilité de cette attractivité, mettant en lumière une possible remise en cause des obligations américaines en tant qu’actifs sans risque.

Au Royaume-Uni, la sortie de l’Union européenne pèse sur sa compétitivité, malgré une solide infrastructure financière. Le Brexit a introduit des défis économiques et réglementaires qui affaiblissent son attrait, et le rapport souligne une chute dans les classements de compétitivité. Le Royaume-Uni risque de devenir un « hub européen de second rang » sans mesures significatives pour moderniser son système fiscal et administratif.

Tendances émergentes : du local au global, le choix difficile des clients

Une observation majeure du rapport est la baisse continue du volume des actifs gérés à l’international (IMV), qui passe de 5,3 % de la richesse mondiale en 2013 à seulement 3,7 % en 2023. Ce phénomène, souvent masqué par les performances globales du secteur, traduit une transformation profonde : les clients fortunés privilégient de plus en plus la gestion domestique, notamment en raison de la convergence des régimes fiscaux. Cette tendance pourrait sonner le glas du modèle de gestion international qui, bien qu’encore puissant, montre ses limites. Pour rester pertinents, les grands centres devront offrir des propositions de valeur plus ancrées localement et adopter des modèles hybrides combinant expertise internationale et solutions locales.

Vers un avenir sous haute surveillance et innovation contrainte

Les perspectives d’avenir pour le secteur s’annoncent sous haute surveillance, avec des régulateurs renforçant leur contrôle sur les flux de capitaux et le respect des réglementations internationales. Le rapport de Deloitte identifie la montée en puissance de l’IA et de la gestion numérique comme des leviers incontournables pour rester compétitif, mais souligne aussi l’illusion d’un automatisme qui n’offre aucune garantie de performance durable. L’investissement technologique, bien qu’essentiel, pourrait se révéler coûteux sans un alignement stratégique clair avec les nouvelles attentes des clients et les défis géopolitiques.

La fin de l’âge d’or ?

En résumé, le rapport de Deloitte met en lumière un secteur en transformation, où les centres historiques doivent reconsidérer leur positionnement et anticiper une époque marquée par la régulation, la transparence et l’innovation contrainte. La gestion de patrimoine ne peut plus uniquement se reposer sur des structures anciennes et des promesses de stabilité. L’avenir appartient aux centres capables de concilier excellence opérationnelle, agilité et adaptation rapide aux nouvelles réalités économiques et politiques.

Lire le rapport complet « The Deloitte International Wealth Management Centre Ranking 2024 ».

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