La hausse des prix de l’énergie est une menace pour la croissance

  • Politique : Le débat sur la direction que doit prendre la politique monétaire reste très présent sur les marchés. Aux Etats-Unis, les commentaires des banquiers centraux se suivent et se ressemblent sur le besoin d’aller plus vite que prévu sur le resserrement monétaire. Néanmoins, à part quelques membres du comité de politique monétaire, pour l’instant, il y a une conviction faible sur la nécessité de « frapper fort » dès la première hausse des taux prévue en mars. Les commentaires des membres influents qui sont la vice-présidente, Lael Brainard ainsi que John Williams, le président de la Fed de New York, à la fin de la semaine dernière semblent suggérer que c’est plutôt de hausses répétées au cours des mois à venir qui semble le chemin préféré. Nous pensons aussi que c’est le chemin le plus probable. En revanche, nous voyons toujours les taux directeurs atteindre un niveau en fin de cycle de resserrement plus haut que celui anticipé aujourd’hui. Reste le sujet de la réduction du bilan. Nous continuons de penser que le début de la réduction arrivera plutôt vers l’été.
  • En zone Euro, le débat sur les hausses des taux en 2022, devrait aussi rester très vif auprès de banquiers centraux. La possibilité de hausses des taux directeurs en 2022 est élevée, à notre avis. En revanche, il y a trop d’inconnues à ce stade, pour tracer un chemin clair pour ces hausses. La persistance d’une inflation proche de 3 pour l’ensemble de la zone, poussera à des hausses plus rapides. Néanmoins, la BCE devrait être très prudente avant de déclarer victoire sur les pressions déflationnistes qui étaient présentes avant la crise sanitaire.
  • Outre le débat sur la politique monétaire, l’urgence aujourd’hui pour certains gouvernements est de protéger les ménages de la perte de pouvoir d’achat, notamment à cause de la montée des prix de l’énergie. Ainsi, en Europe, plusieurs gouvernements ont déjà annoncé de mesures pour limiter la hausse du prix de l’électricité. Le gouvernement français s’était distingué en faisant porter sur Engie la limitation de la hausse des prix de l’électricité à 4% seulement contre au moins 10% d’augmentation prévues pour 2022. Le gouvernement italien vient de dévoiler un plan de 8 milliards d’euros pour alléger les dépenses énergétiques. Aux Etats-Unis, un groupe de Démocrates au Congrès, soutenus par la Maison Blanche, a proposé de supprimer la taxe de 18,4% qui pèse sur l’essence. Ces mesures, évidemment, ne peuvent qu’être ponctuelles. Elles devraient, néanmoins, protéger le pouvoir d’achat temporairement et donc protéger la croissance, tout en plombant davantage la situation des finances publiques.
  • Marché : Les mouvements de marché ces derniers jours ont été guidés par la crainte d’un conflit en Ukraine. Aux dernières nouvelles, la situation semble s’apaiser avec la proposition américaine d’un sommet entre les présidents Poutine et Biden. La condition américaine est évidemment qu’aucune intervention militaire n’ait lieu au préalable. Malgré la conviction de beaucoup d’experts qu’il n’y aura pas d’invasion russe, la situation reste très tendue. Néanmoins, la possibilité de négociations au sommet ouvre la possibilité d’une résolution. À court terme, malgré l’espoir, il est probable qu’une « prime de guerre », reste présente sur les marchés, se manifestant notamment sur les prix des matières premières et de la volatilité sur les actifs les plus risqués.

Évidemment, personne n’avait prévu qu’aux nombreuse incertitudes qui pesaient sur 2022, notamment dans ce changement de régime monétaire, que l’éventualité d’une guerre au sein de l’Europe puisse venir perturber davantage les perspectives de croissance. La dégradation de la situation géopolitique en Ukraine est malheureusement devenue une menace réelle qui vient perturber le panorama à court terme.

Pour l’instant, c’est bien le terme de perturbation qu’on préfère utiliser, car dans le cas d’une guerre, la situation serait bien plus préoccupante.

La manifestation la plus marquée sur la manière dont le marché intègre le danger d’un conflit est au travers du prix des matières premières et notamment du complexe énergétique. Ainsi, la dernière vague de montée des prix de l’énergie est en grande partie liée au conflit, avec la crainte que des sanctions économiques puissent venir réduire l’approvisionnement en énergie primaire par la Russie de l’économie mondiale et surtout européenne.

Toutefois, ce n’est pas le seul facteur qui affecte aujourd’hui l’évolution des prix du pétrole, notamment. L’OPEP continue de contraindre l’offre avec plusieurs pays membres qui ne remplissent pas leur quota de hausse de production. De fait, l’agence internationale de l’énergie a de nouveau fait appel aux pays de l’OPEP d’approvisionner davantage le marché et donc d’utiliser les ressources non utilisées. Néanmoins, des problèmes techniques, notamment, font que la production n’est pas tout à fait au rendez-vous. La possibilité de négociations fructueuses avec l’Iran sur son programme nucléaire pourrait venir soulager ces tensions (1,3 millions de barils jours pourraient arriver sur le marché), mais ceci ne changera pas vraiment la donne. La demande progresse toujours de manière assez vive.

En même temps, il faut constater que la transition énergétique que tout le monde appelle de ses vœux n’est pas aujourd’hui sur la bonne voie. Non seulement les investissements massifs nécessaires pour développer les énergies renouvelables ne sont pas sur la table, mais le risque est que les sous-investissements dans la production d’énergies fossiles, rendent la situation à court-moyen terme assez tendu. Ceci se reflétera sur les prix.

Ainsi, la hausse du prix du pétrole de plus de 20% depuis le début d’année traduit certes un problème qu’on peut espérer n’être que conjoncturel, c’est-à-dire les tensions en Ukraine, mais aussi un déséquilibre entre offre et demande qui pousse les prix à la hausse.

Prix du pétrole : la hausse des prix est une menace pour l'inflation et le pouvoir d'achat

Devant les tensions sur les prix de l’énergie des nombreux gouvernements tentent de minimiser l’impact sur le pouvoir d’achat des ménages.

L’Italie vient de proposer un plan de 8 milliards d’euros pour protéger les consommateurs, l’industrie ainsi que les collectivités locales de la hausse considérable de la facture énergétique. En outre, le secteur automobile devrait aussi bénéficier de soutien pour accélérer sa transition vers la voiture électrique.

Pour l’instant, le gouvernement italien a indiqué que ces aides ne devraient pas affecter les objectifs de diminution du déficit public, projeté cette année à 5,6%. En partie, ces efforts seront couverts par la « cagnotte » accumulée l’année dernière, où la performance en termes de déficit fut nettement plus favorable que prévue.

Les Italiens sont évidemment très inquiets de la possibilité de sanctions envers la Russie en cas de conflit, vu l’énorme dépendance de l’économie italienne au gaz russe. Outre des hausses des prix supplémentaires, le danger serait un manque d’approvisionnement qui serait difficile à compenser par des ressources alternatives.

Ces facteurs, expliquent sûrement, en partie, aussi l’écartement du spread de taux entre la dette souveraine Italienne et allemande.

En même temps, cette situation met en avant, comme dans presque tous les pays européens, les difficultés que va rencontrer la région dans sa transition énergétique. Il est évident que non seulement des efforts massifs d’investissement du côté de l’offre doivent être faits, mais du côté de la demande, les incitations ou aides pour changer les modes de consommation d’énergies deviennent cruciaux.

Aux Etats-Unis, les discussions vont aussi bon train pour essayer de mitiger l’impact de la hausse du prix de l’énergie sur le pouvoir d’achat des ménages. Des membres du congrès du Parti démocrate ont suggéré de supprimer pour un temps la taxe de 18,4 % qui pèse sur l’essence pour alléger la facture des Américains. Cette mesure est soutenue par la Maison Blanche. Néanmoins, elle est loin de faire l’unanimité, ainsi certains sénateurs démocrates, dont Joe Manchin, le Démocrate qui s’oppose au projet de dépenses sociales du président Biden (« Build back better »), est contre une telle mesure. En grade parti, l’opposition d’une partie de la classe politique vient des implications fiscales de ces mesures qui viendraient aussi nuire aux incitations pour changer les modes de consommation.

Il est évident que si les tensions sur les prix de l’énergie persistent, ceci ne viendra pas seulement continuer à exacerber des pressions inflationnistes, mais aura un impact sur la croissance. Les estimations de l’OCDE dans le passé montraient qu’une hausse du prix du pétrole de 10 dollars (de manière durable) avait un impact sur le niveau de l’activité de 0,2 points au bout de deux ans. Beaucoup de ces estimations datent, d’autant plus que le mix énergétique a changé, néanmoins, notre dépendance au pétrole, et les évolutions récentes sont une nouvelle menace pour l’activité en 2022.

Outre les dangers à court terme, cette crise énergique, montre encore une fois le retard pris dans la transition vers un nouveau modèle de production d’énergie et dans les changements nécessaires au niveau de la demande.

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