Marchés : quel premier trimestre ! Quel deuxième trimestre ?

  • Marchés :Les marchés ont été sans dessus-dessous au 1er trimestre, avec des performances globalement négatives, une sous-performance des actifs les moins risqués et des corrélations entre classes d’actifs inhabituelles. Toutes les classes grandes d’actifs ont connu des performances négatives au 1er trimestre, excepté les matières premières. La guerre et les sanctions sur la Russie expliquent naturellement la forte hausse des matières premières, que ce soit l’énergie, les métaux et les produits agricoles, ainsi que la sous-performance des actifs européens par rapport aux actifs américains. Mais malgré la guerre, les actifs refuges ont fortement sous-performé au T1 2022 et en mars, qu’ils s’agissent des obligations souveraines ou du yen. Ces actifs ont même connu leur plus forte correction depuis des années. Cela s’explique par la nouvelle hausse des pressions inflationnistes et par la volonté des banques centrales d’accélérer la normalisation des conditions monétaires, à l’exception de la Banque du Japon. Dans cet univers compliqué pour les marchés, les actifs risqués telle que les actions ou le crédit sont en baisse plus limitée T1 et se sont même repris en mars. La « bonne » nouvelle à la fin du T1 est que les valorisations de la plupart des actifs sont plus raisonnables qu’au début de l’année.
  • Qu’est-ce que cela nous enseigne pour les mois à venir ? L’environnement macro pour les marchés devrait rester compliqué, avec une inflation toujours plus au-dessus des cibles, des révisions baissières des perspectives de croissance et de bénéfices et des banques centrale contrainte de poursuivre le durcissement de leur politique monétaire. Cela plaide pour des rendements réels plus limités qu’au cours des dernières années pour toutes les classes d’actifs, pour une volatilité persistante et pour des corrélations entre actifs instables. Toutefois, au vu des valorisations des actifs moins tendues, nous anticipons que le potentiel de baisse des actifs est plus limité. Aussi, sous nos hypothèses que les incertitudes liées à la guerre en Ukraine s’estompent graduellement et que l’économie chinoise se stabilise, nous pensons que les actifs risqués pourraient se stabiliser, en particulier les actions qui offrent une protection à des hausses limitées des anticipations d’inflations et des taux.
  • Economie : lLes derniers chiffres économiques sont rassurants des deux côtés de l’atlantique. Ils confirment que l’activité est restée solide en mars malgré la baisse de la confiance, grâce au dynamisme du secteur des services tiré par la réouverture des économies. Surtout, ils montrent la robustesse des fondamentaux économiques début 2022, en particulier en ce qui concerne les marchés de l’emploi et la situation financière des entreprises, qui n’ont pas été aussi solides depuis la crise financière. Cela donne la capacité à l’économie à mieux résister aux chocs. Avec l’hypothèse qui reste la nôtre d’un apaisement du conflit dans les semaines à venir, nous continuons de penser que la croissance sera ralentie, mais préservée en 2022. La mauvaise nouvelle vient de la China, où les indicateurs de confiance indiquent une contraction importante de l’activité en mars à cause de la vague épidémique et des nouvelles mesures de restriction imposées. Cela renforce notre vue qu’il sera difficile d’atteindre la cible officielle de 5,5% de croissance pour 2022, même si nous continuons de penser que les autorités devraient arriver à stabiliser l’économie en plus de mesures de soutien à l’économie et aux marchés.

Que retenir du 1er trimestre pour les marchés ? Les actifs refuges n’ont pas offert de protection. Les obligations d’états dans les pays développés ont connu leur plus mauvais trimestre (et mois de mars) depuis au moins le début des années 1980 en termes de rendement. Ainsi, les obligations souveraines américaines et allemandes baissent de plus de 5% depuis le début de l’année. Le yen a chuté à un plus bas depuis 2015 face au dollar. Les actifs risqués tels que les actions ou le crédit ont baissé, mais dans des proportions plus limitées (-4% pour les actions mondiales sur le trimestre). Les actions et les spreads de crédit se sont même repris finalement en mars. La hausse des taux a entraîné aussi une sous-performance du crédit le mieux noté (Investment Grade) par rapport au moins bien noté (High Yield). Au total, la corrélation des rendements des différentes classes d’actifs est inversée au T1 par rapport à leur corrélation historique. Cela illustre selon nous le fait que nous soyons dans une situation bien différente que durant les dernières décennies, où les problèmes viennent plus de l’offre que de demande (d’énergie, de biens…), où le risque est plutôt inflationniste que déflationniste, et où les banques centrales sont moins à même d’aider les marchés à se stabiliser lors de chocs négatifs.

Que peut-on anticiper pour les prochains mois ? Concernant les taux d’intérêt, le gros de la hausse est probablement derrière nous, maintenant que les marchés anticipent des hausses de taux directeurs bien plus marqués pour 2022 (de plus de 200pb pour la Fed contre 75pb anticipé au début de l’année, et de 50pb contre 10pb pour la BCE), et que les taux longs dépassent clairement leur niveau pré-Covid. Doit-on dès lors parier sur une correction des taux, comme cela a été les cas après toutes les fortes hausses de taux au cours des dernières années ? Nous ne le pensons pas. Dans un environnement d’inflation encore haussière (comme devrait l’illustrer la première estimation de l’inflation pour la Zone Euro en mars publiée aujourd’hui) et où les banques centrales craignent plus d’être en retard sur l’inflation que du causer une récession, nous pensons que les risques restent haussiers pour les taux d’intérêts dans les prochains mois. C’est particulièrement le cas aux Etats-Unis où la Fed pour être poussée à remonter ses taux non seulement plus vite surtout plus haut que ce qui est prévu aujourd’hui pour atténuer les pressions inflationnistes actuelles et réussir à faire converger l’inflation vers l’objectif de la banque centrale. Pour les actions, les perspectives de révisions baissières sur les bénéfices et les taux d’intérêt plus élevés ne plaident pas en leur faveur. Toutefois, les valorisations des actions sont plus raisonnables qu’en début d’année. De plus, les actions, en tant qu’actifs réels, son mieux à même de résister à des hausses de l’inflation et des taux que les obligations, tant que ces dernières ne sont pas trop extrêmes. C’est pourquoi nous pensons que les actions peuvent progresser légèrement dans les prochains mois, tant qu’une récession est évitée. Bien sûr, la sélectivité est plus importante qu’elle ne l’était quand la baisse des taux faisait monter tous les actifs. Nous pensons qu’il faut privilégier les segments des marchés dans lesquels les entreprises sont plus à même de protéger leurs marges (notamment de transmettre à leurs clients les hausses qu’elles subissent sur leurs coûts) plutôt que de faire croître leur chiffre d’affaires très rapidement.

La solidité des fondamentaux macro-économiques pour les ménages et les entreprises en « sortie » d’épidémie et avant la guerre est l’une des principales raisons pour laquelle nous pensons que la reprise aux Etats-Unis et en Europe devrait se poursuivre malgré les chocs négatifs liés à la guerre et à l’épidémie en Chine. Et les dernières données renforcent ce point.

Le marché du travail est très fort aux Etats-Unis, ce qui devrait être confirmé par les rapports emplois pour mars publiés cette après-midi. En effet, le secteur privé américain a créé 455 mille emplois privés en mars selon l’enquête ADP, avec une hausse de l’emploi dans tous les secteurs et particulièrement forte pour l’hôtellerie et la restauration, signe que la réouverture se poursuit. Par ailleurs, les tensions sur le marché du travail restent élevées, comme le montre le niveau extrêmement bas des demandes d’allocation chômage, l’excès historique d’emplois disponibles par rapport aux nombres de chômeurs et le haut taux de démissions. Cela est positif pour les perspectives de salaires. La croissance de l’emploi et des salaires permet aux revenus salariaux de progresser fortement (+10.4% en glissement annuel en février), plus vite que l’inflation. Cela est rassurant pour le futur même si les revenus totaux des ménages croissent moins vite que l’inflation pour le moment en raison de l’expiration des aides liées au Covid.

Le marché de l’emploi est également exceptionnellement fort en Zone Euro. Ainsi, le taux de chômage a baissé en février à 6.8% d’après la première estimation d’Eurostat, un nouveau plus bas depuis la création de l’Euro. Et si le taux de chômage reste élevé dans certains pays comme l’Italie et l’Espagne, il est en forte baisse et en dessous de son niveau d’avant le Covid dans l’énorme majorité des pays de la Zone.

Au-delà du marché de l’emploi, les bilans des ménages et des entreprises au niveau macro-économique restaient très solides, fin 2021, comme le montre les données publiées avec la troisième estimation du PIB américain du T4 2021. En effet, les profits des entreprises américaines progressaient encore fin 2021, leur taux de marge restait proche de leur plus haut historique et les charges financières étaient au plus bas. Aussi, la richesse des ménages a progressé fortement, en particulier en ce qui concerne les liquidités. Cela devrait permettre aux ménages et aux entreprises d’absorber en partie les chocs de prix pour l’instant.

La mauvaise nouvelle vient de la Chine, où l’activité se contracte nettement en mars en raison de la vague épidémique et des confinement imposé. Les indicateurs PMIs publiés par les autorités pour les secteurs manufacturiers et non-manufacturés chutent tous deux en mars en territoire de contraction pour la première fois en dehors du mois de février 2020. Ainsi, la PMI manufacturière chute de 50.2 à 49.5 points et le PMI services s’effondre de 50.5 à 46.7pt. Cela montre que la politique de Zero-Covid, même légèrement assouplie, a un impact encore massif sur l’activité et dépasse largement en mars l’impact des mesures de soutiens à l’activité que les autorités ont commencé à annoncer (assouplissement des conditions de crédit et des changements de régulation sur la tech et les promoteurs…). Mais les autorités ont clairement annoncé seulement mi-mars que la stabilisation de l’économie et des marchés était redevenue leur priorité numéro un, au détriment du rééquilibrage de l’économie et du contrôle des dettes. Au total, nous pensons que la croissance va ralentir nettement à court terme après le léger rebond du janvier/février, rendant la cible de croissance de 5,5% pour 2022 difficilement atteignable. Toutefois, nous anticipons que les autorités vont renforcer nettement les mesures économiques, financières et réglementaires dans les prochains mois pour garantir la stabilité de l’économie et des marchés avant le 20e congrès du parti qui se tiendra dans la seconde partie de l’année. Cela devrait éviter que le ralentissement chinois ne perdure trop.

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