Pas de répits pour les banques centrales, ni pour les marchés

  • Les marchés continuent de suivre les à-coups d’un environnement incertain, dominé par un resserrement monétaire à marche forcée aux Etats-Unis, une inflation dont la décélération ne sera que très graduelle, la guerre en Ukraine et ses conséquences en termes de sanctions et de prix des matières premières, ainsi que la situation sanitaire en Chine. Malheureusement, ces conditions difficiles devraient perdurer à court terme.
  • Les prix de l’énergie restent extrêmement élevés en Europe, avec la crainte que les autorités russes suspendent les ventes de gaz à d’autres pays que la Pologne et la Bulgarie et les discussions entre les pays de l’UE pour imposer un embargo sur le pétrole russe d’ici la fin de l’année.
  • Les PMI chinoises ont chuté encore plus qu’attendu en avril, à leur second plus bas historique après février 2020 (46,0pt pour l’indicateur composite), confirmant la forte contraction de l’activité en raison du Covid. Avec les restrictions toujours en place à Shangaï et s’étendant à Pékin, les perspectives restent négatives à court terme. Cela dit, le Politburo (plus haut organe de gouvernance chinois) a maintenu ses cibles économiques et a annoncé des politiques plus pro-actives, ce qui limite les risques systémiques et devrait permettre une ré-accélération significative de l’économie une fois que l’épidémie est sous contrôle.
  • La croissance du PIB de la Zone Euro a ralenti au 1er trimestre, mais est restée positive (+0,2%), en ligne avec les attentes. Dans le même temps, l’inflation en avril est toujours extrêmement élevée (7,5%) malgré des effets de base moins haussiers sur l’énergie, car l’inflation sous-jacente (i.e. hors énergie et alimentaire) augmente plus qu’attendue, à 3,5%. Cela indique que l’inflation pourrait être persistante, ce qui pourrait pousser la BCE à remonter ses taux dès juillet (contre septembre dans notre scénario central).
  • Aux Etats-Unis, malgré la contraction du PIB au 1er trimestre et les signes que l’inflation a probablement atteints son point haut au T1, la Fed devrait continuer son resserrement monétaire à marche forcée. En effet, la demande domestique reste forte, le déflateur sous-jacent des prix à la consommation (la mesure d’inflation préférée de la Fed) reste extrêmement élevé à 5,2%. Enfin, les coûts salariaux ont accéléré encore au T1 à 4,5% en glissement annuel, un nouveau plus haut depuis plus de 20 ans, ce qui peut faire craindre à une boucle prix-salaires. Dans ces conditions, la Fed devrait bien adopter cette semaine les plus fortes mesures de resserrement monétaire depuis les années 1990 (50pb de hausse de taux et annonce du début de la réduction de son bilan).

En Chine, la situation sanitaire reste préoccupante et pèse fortement sur la conjoncture chinoise à court terme. L’explosion des cas et la faible immunisation de la population ne laissent pas d’autre choix aux autorités que de maintenir leur stratégie Zéro-Covid en raison de la tension sur le système de santé. Cela pousse les autorités à confiner ou imposer des restrictions dans une partie importante du pays, qui couvrent des régions fournissant plus du quart du PIB chinois actuellement. Ces restrictions sanitaires pèsent fortement sur la croissance chinoise à court terme, comme le montre la chute des PMIs officiels chinois en avril. En effet, le PMI manufacturier a baissé de 49,5pt à 47,5pt et le PMI non-manufacturier de 49,5 à 41,9pt. Ils sont tous deux à leurs second plus bas historiques après février 2020 et bien en dessous de la limite indiquant une stabilité de l’activité (50pt). Tant que l’épidémie ne sera pas sous contrôle en Chine, les risques sur la croissance restent baissiers et cela pourrait venir encore exacerber des tensions au niveau des chaînes de productions mondiales.

Les PMIs chinois chutent de nouveau fortement en avril, en zone de contraction de l'activité

Cela dit, les autorités maintiennent leurs cibles économiques pour 2022 (à 5,5% pour la croissance du PIB) et accélèrent les soutiens à l’économie et aux marchés, d’après les conclusions du Politburo de la semaine dernière (le plus haut organe de gouvernement présidé par Xi). En particulier, les autorités accélèrent les projets d’infrastructure et le soutien aux PME et adoptent un ton plus amical que fin 2021 envers les plateformes numériques et le secteur de l’immobilier. Ce soutien reste plus progressif que lors des récentes phases de ralentissement chinois, en privilégiant des mesures ciblées et incrémentales, et il ne pourra être efficace que lorsque la situation épidémique sera sous contrôle. Mais une politique plus activiste limite les risques systémiques et devrait permettre une ré-accélération significative de l’économie cet été.

La croissance du PIB de la Zone Euro a ralenti au 1er trimestre, mais est restée positive, à +0,2% après +0,3% au T1 2021. En terme géographique, cela reflète le rebond du PIB Allemand (+0,2% après -0,3%) et la poursuite de la reprise en Espagne (+0,3% après +2,2%) qui compensent la stagnation en France (0,0% après +0,7%) et la contraction en Italie (-0,2% après +0,6%).

Zone Euro : le PIB progresse à un rythme limité au t&

Si le détail du PIB de la Zone Euro n’est pas encore publié, celui de la France l’est. Il montre que la stagnation de l’activité en France au 1er trimestre est due à une baisse de la consommation, et non comme aux PIB des Etats-Unis? à des éléments volatiles. Toutefois, ce ralentissement est probablement dû principalement à la vague d’Omicron du début d’année et la dynamique de reprise de la France ne semble pas remise en cause pour l’instant.

En effet, la croissance du PIB français est ressortie à 0,0% au 1er trimestre après une croissance revue à la hausse à 0,8% au T4 2021. C’est en dessous des attentes du consensus qui tablait sur +0,3%. Surtout, le détail du PIB montre que cette déception n’est pas de aux composantes volatiles puisque le commerce extérieur et le stock ont eu une contribution positive à l’activité au T1 (grâce notamment à la livraison d’un navire de croisière). En réalité la demande finale domestique (PIB hors stocks et commerce extérieur) à baisser de 0,6% sur le trimestre, en raison de la forte baisse des dépenses des ménages (-1,3% pour la consommation, -1,1% pour l’investissement immobilier). Cela suggère que la vague du Covid en début d’année a eu un impact plus négatif qu’attendu. Cela dit, l’investissement des entreprises est resté dynamique au T1 (+0,7%) et est clairement au-dessus de son niveau pré-Covid. De plus, l’emploi est resté en hausse si l’on en croit la forte baisse du chômage au T1 (-164 000). Il semble donc qu’au moins jusqu’en mars, la dynamique d’expansion des entreprises n’était pas remise en cause malgré la volatilité de la consommation liée aux vagues de l’épidémie.

France : baisse de la consommation mais résistance de l'investissement

Aux Etats-Unis, après la baisse inattendue du PIB au T1 (-0,3% sur le trimestre), l’indicateur d’inflation préféré de la Fed a baissé en mars pour la première fois depuis 2020. Est-ce que cela peut rendre la Fed plus prudente ? C’est peu probable selon nous.

La baisse du PIB au T1 était en trompe l’œil comme nous l’expliquions vendredi, puisqu’elle n’est due qu’à la volatilité du commerce extérieur alors que la demande domestique finale restait dynamique. Cela a été confirmé par les chiffres de consommation de mars, qui montrent une hausse de 1,1% en mars des dépenses des ménages. Côté inflation, le déflateur des prix à la consommation (PCE) à accéléré un peu moins qu’attendu en mars, de 6,3% à 6,4%, malgré la forte hausse de l’inflation énergétique et alimentaire. En fait, le déflateur sous-jacent des prix à la consommation (hors énergie et alimentaire) a légèrement ralenti, de 5,3% à 5,2%. C’est important car cette mesure de l’inflation est la préférée de la Fed. Toutefois, ce déflateur reste très élevé, à plus du double du niveau cible de la Fed (2%). Surtout, il ne devrait ralentir que très progressivement et rester très au-dessus de la cible de la Fed au moins durant 2022 et 2023. En effet, la tendance persistante de prix se stabilise à peine en mars et les salaires continuent d’accélérer, ce qui peut faire craindre à une boucle prix salaire. La mesure la plus « propre » de la croissance des salaires a surpris à la hausse au T1, indiquant la plus forte croissance des salaires depuis plus de 20 ans (+4,5% après +4%  à fin 2021). Et le taux de démission suggère que les pressions salariales resteront élevées dans les prochains mois. Dans ces conditions, il est peu probable que la Fed adopte un ton moins alarmiste concernant les risques d’inflation persistante dans les prochains mois.

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