Prudence sur le high yield et les cocos bancaires pour les mois à venir

Si nous avons souvent dit, entre 2022 et 2023, que certains actifs risqués n’avaient pas assez corrigé face à la hausse des taux, nous alerterons cette semaine sur l’excès de stabilité du high yield et des obligations de type At1 et cocos financières, que nous recommandons de traiter avec parcimonie pour les semaines à venir, a fortiori dans le contexte d’une incertitude élevée liée à l’évolution économique peu enthousiasmante dans une bonne partie de l’Europe, à la nouvelle présidence américaine et à la relative globalisation de la guerre en Ukraine.
 
Nous commencerons par trois constats :

  • Les courbes de taux sans risque, USA ou Europe, se sont significativement écartées ces dernières semaines : +40 points de base pour le taux allemand 5 ans passant de 1.85 à 2.2%. Logiquement les obligations de haute qualité de crédit ont accusé le coup et ont vu leur taux s’écarter également et leur performance chuter.
  • Les actions, tirées par la France ou quelques secteurs comme l’automobile ou les banques, ont également chuté sur la même période : sur un mois, le Stoxx 600 européen réalise ainsi une performance de -4% environ.
  • Le high yield et les cocos bancaires ont quant à eux réalisé une performance positive sur la même période.

(Sources : Bloomberg, Octo AM)

Le segment du high yield, parce qu’il est obligataire tout en ayant une très forte composante entreprise, fait généralement preuve, sur un horizon moyen terme, d’une corrélation significative avec ces deux marchés : lorsque les taux montent significativement, il est logique que les emprunteurs paient légèrement plus cher, lorsque les marchés considèrent que les entreprises seront moins rentables et décotent les actions, il est logique que les entreprises les plus endettées du segment high yield revêtent un risque de défaut légèrement plus important et voient leur prime de risque s’écarter.
 
Ainsi observe-t-on généralement : 

  • Un écartement des spreads de crédit en cas de baisse du marchés actions
  • Une hausse des rendements du high yield en cas de hausse des rendements souverains ou des autres corporates.

 
Généralement mais pas toujours nous diront certains lecteurs avertis, et effectivement quelques cas doivent être isolés de cette logique : 

  • Si les spreads de crédit ont déjà bondi en amont de la baisse des actions et que la prime et le rendement sont tels qu’ils représentent une opportunité majeure capable d’absorber ces chocs. Si c’était le cas en 2023 et début 2024, ce n’est plus le cas aujourd’hui avec un rendement moyen du high yield autour de 5% et un spread « crossover » à 300, niveaux qui restent attractifs mais plus excessifs et moins à même d’absorber tous les chocs.
  • Si la baisse des actions est compensée immédiatement par une politique très accommodante de la banque centrale en termes de taux, ce qui a pu être le cas dans quelques stress passés mais qui n’est pas le cas aujourd’hui puisque la BCE conserve une posture prudente et n’a pas modifié sa trajectoire prévue depuis plusieurs mois. La FED quant à elle, semble même freiner ses baisses de taux pour les mois à venir.
  • Si les mouvements de taux et/ou d’actions sont tout à fait marginaux au regard du rapport rendement/risque du high yield. S’ils l’étaient en début d’année, ils nous semblent l’être de moins en moins en Europe, en particulier sur certains pays comme la France ou sur certains secteurs comme l’automobile. 

(Sources : Bloomberg, Octo AM)

Aucun de ces cas ne nous semble donc d’actualité et, si nous restons confiants sur la qualité de crédit des entreprises et sur le fait que les rendements peuvent encore absorber des chocs significatifs, nous considérons néanmoins que le segment high yield ne devrait pas être autant « ignifugé » des remous actuels sur les taux et les actions.
 
Nous réitérons un raisonnement identique sur les cocos bancaires puisqu’en tant qu’outils super-subordonnés, perpétuels et pouvant même être convertis ou supprimés, leur risque action est relativement fort et leur corrélation historique l’est généralement aussi, bien qu’il y ait parfois des décalages dans le temps. Si leur surperformance hors norme s’expliquait aisément ces derniers mois et pouvait s’associer aux bons résultats publiés, à la hausse des actions et aux perspectives plutôt bonnes du secteur, on pourra s’étonner aujourd’hui qu’elle ne « rendent » pas quelques points de base de cette surperformance dans la conjoncture actuelle, a fortiori quand on voit fleurir les projets de surtaxe du secteur dans une douzaine de pays européens ou quand on constate la rechute des actions de banques françaises depuis quelques semaines, pénalisées par l’incertitude budgétaire et économique du pays.
 
Mais pourquoi cela se produit-il donc ?
 
Cinq raisons à cela, deux saines et logiques, et trois, faisant souvent la pluie et le beau temps sur les marchés financiers, un peu plus dangereuses :

  • Les obligations offrent encore plus de rendement que beaucoup d’autres actifs et leur rapport rendement/risque est souvent meilleur, a fortiori sur les maturités courtes (la courbe restant encore plate)
  • Les obligations high yield, car les entreprises ont généralement été très prudentes depuis plusieurs années et trouvent facilement à se refinancer, sont relativement peu risquées en termes de liquidité à 3-4 ans.
  • Les stratégies d’investissement comportent depuis des mois une part importante d’obligations et le high yield est venu assez tardivement sur le devant de la scène, beaucoup d’institutions préférant l’Investment grade pendant une grande partie de l’année 2023… L’effet retard et l’inertie explique que beaucoup d’investisseurs continuent à se positionner massivement sur le high yield alors même que ses rendements absolus et sa prime relative se sont significativement résorbés… Et que nous préférons plutôt l’alléger désormais, après les très bonnes années 2023 et 2024.
  • Les rendements baissant et la volatilité des actifs risqués comme les actions restant élevée, les investisseurs ont tendance à repartir dans une « chasse au rendement » raisonnant en absolu plutôt qu’en relatif et continuant donc d’acheter du high yield et des subordonnées bancaires uniquement parce que leur rendement est le plus élevé de la catégorie obligataire… Ce pari n’est en général potentiellement gagnant qu’à très court terme ou à très long terme si on n’a cure de la volatilité… Mais le très court terme est plus l’horizon d’un trader que d’un investisseur et le très long terme celui d’une poignée d’institutionnel de retraite ou d’assurance… Pour tous les autres, nous conseillons donc plutôt de ne pas suivre cette tendance d’accélération sur le high yield et les subordonnées bancaires de type coco (à bien différencier des autres rangs bancaires).
  • Enfin l’effet de « performance passée », quoi qu’on puisse en dire, reste un vecteur puissant des flux financiers et les mois passés sur le high yield et les AT1 se sont montrés particulièrement porteurs, offrant les meilleures performances avec une faible volatilité…

Enfin, car on ne peut balayer aucun scenario, on pourrait imaginer que ce ne soit pas le high yield qui soit en retard pour une correction mais les obligations de haute qualité ou les actions qui aient trop chuté et viennent à rebondir dans les semaines à venir. Nous ne favorisons pas ce scenario pour trois raisons :

  1. La courbe des taux est en phase de normalisation et les taux longs anticipent déjà un taux directeur entre 1.5 et 2% à horizon mi-2025. Nous considérons que cette anticipation est logique et qu’il y a peu de chance de voir les taux longs baisser significativement – c’est-à-dire les obligations souveraines et de haute qualité rebondir significativement hormis par leur simple portage – à horizon quelques mois.
  2. Le high yield n’est pas le principal marché obligataire, et les mouvements sur les taux sont généralement en amont des autres mouvements.
  3. Les rendements des actions sont encore sur des niveaux relativement bas en Eurozone par rapport au marché obligataire malgré la chute de valorisation récente. Ce qui signifie plutôt que les actions n’ont fait que combler un déficit de rendement par rapport aux obligations ces dernières semaines, mais ne sont pas un signe avant-coureur du marché obligataire.

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