La plateforme de la sélection de fonds et de la gestion d’actifs

Sébastien Leutwyler (Capitalium)décrypte : Résilience économique et stratégies pour investir en période de volatilité

Sébastien Leutwyler

Dans cette analyse approfondie, Sébastien Leutwyler explore les dynamiques récentes des marchés financiers et l’importance de la participation continue dans un contexte boursier marqué par une résilience économique mondiale remarquable. À travers une série d’exemples et de leçons historiques, il démontre comment les investisseurs peuvent naviguer dans un environnement de volatilité et tirer parti des tendances haussières. En soulignant les performances de différents marchés régionaux, il met en lumière les stratégies de diversification et de gestion active nécessaires pour maintenir des portefeuilles robustes et performants. Une analyse à ne pas manquer.


En olympisme, comme dans les marchés boursiers, l’important, c’est de participer ! Cette maxime « de saison », se sera une nouvelle fois vérifiée sur le second trimestre de l’année. Un trimestre qui aura vu la persistance d’une dynamique haussière, malgré un coup d’arrêt sur les premières semaines d’avril. De fait, le recul boursier n’aura été que de courte durée et d’une ampleur réduite, avant une reprise haussière plus rapide, plus haute et plus forte, pour reprendre les termes de la célèbre devise olympique « Citius, Altius, Fortius ».

Ce trimestre aura donc permis de tester les nerfs des gérants attirés par les sirènes de la finance comportementale, celle qui pousse à prendre ses profits, au moment même où certains indices boursiers, principalement exposés aux actions, retrouvaient leurs points hauts historiques. « Les arbres ne montent pas au ciel » défend une sagesse populaire. Mais force est de constater que la météo pluvieuse de ce printemps qui sourit à Mère-Nature, trouve écho dans un momentum boursier très robuste, au sein duquel « rester investis » s’est avéré être le positionnement à privilégier au cours des trois derniers mois. Cette séquence reflète pourtant un comportement statistiquement fréquent sur les marchés financiers. En effet, l’histoire financière nous enseigne deux leçons qu’il nous paraît opportun de rappeler. La première établit que lorsqu’un marché atteint ses points hauts de valorisation, s’ensuit généralement un renforcement de cette tendance, avec de nouveaux points hauts atteints dans les semaines et mois qui suivent. Comme le montre le graphique en marge, depuis 1950, sur le marché américain, l’occurrence de nouveaux points hauts (points noirs sur le graphique) tend à se manifester sur des périodes relativement longues de marchés porteurs.

Source : Capitalium

Ainsi, rares sont les séquences qui voient un point haut être annonciateur d’un crash. La réalité tend plutôt à démontrer le contraire. Cette dynamique haussière peut s’expliquer par l’effet moutonnier des investisseurs qui « prennent le train en route », mais s’explique principalement par le fait que les hausses répondent souvent à des fondamentaux qui s’améliorent, et donc une expansion normale des multiples de valorisations. La seconde leçon a trait au timing.

Peu nombreux sont les investisseurs en capacité d’acheter, et respectivement de vendre, systématiquement au bon moment. C’est même le contraire qui se produit généralement, avec des décisions émotionnelles qui s’opèrent au pire moment. Or, vous ne pouvez pas attraper un rebond de marché si vous n’êtes pas investis. Remarque pour le peu triviale.

Source : Capitalium

Comme le montre l’illustration ci-dessus de JP Morgan (Oct., 2023), la conséquence financière de manquer les meilleurs jours de cotation de l’indice américain S&P500 au cours des vingt dernières années, impacte de manière significative la performance annualisée obtenue. Celle-ci a atteint 9.8% sur base annuelle pour un investisseur complétement investi, et une performance ramenée quasiment à zéro pour celui ayant manqué les 30 meilleurs jours de l’indice. Les marchés financiers tendent à récompenser ceux qui tiennent leurs positions. Et oui, il semble bien qu’une nouvelle fois se vérifie l’adage qui veut qu’en bourse aussi, « l’important, c’est de participer ».

Mais trêve de digressions théoriques, reprenons ici les quelques éléments fondamentaux qui tendraient à expliquer cet élan haussier de la première partie d’année. En premier lieu, nous sommes face à une résilience exceptionnelle de l’économie mondiale qui plie, mais ne rompt pas. Une économie qui encaisse les chocs, mais surtout une économie qui s’adapte comme elle l’a toujours fait pour poursuivre sa croissance, si contenue soit-elle. En second lieu, sur le front de l’inflation, les nouvelles sont là aussi rassurantes. La trajectoire baissière est en place, même si nousrestons convaincus que la convergence vers l’objectif statutaire de 2% prendra du temps.

Finalement, d’autres éléments contribuent à nourrir le scénario d’un verre à moitié plein, parmi lesquels une liquidité abondante sur les marchés, un cycle du crédit qui se tient, ou encore la perspective d’une élection américaine qui offre, normalement, une certaine stabilité sur les marchés. Mais plus important encore, cette séquence haussière installée depuis bientôt neuf mois, trouve ancrage dans des croissances bénéficiaires très fortes des entreprises. Au point d’en devenir son talon d’Achille avec des anticipations qui avoisinent un rythme annuel supérieur à 10%. Ce chiffre excède sa moyenne historique, et le droit à l’erreur des sociétés qui décevront sur ce point ne semble pas bien grand dans un marché désormais mature pour sanctionner sévèrement les « mauvais élèves ».

Prudence donc face au risque de dispersion et aux mauvaises surprises lors de la saison de publication des résultats des entreprises pour le second trimestre de l’année qui va s’ouvrir début juillet. Pour le reste, au cours du trimestre, nous retenons les éléments suivants. Aux États-Unis, la Réserve fédérale a maintenu ses taux d’intérêt stables, tentant d’équilibrer entre un taux d’inflation toujours élevé et les risques de récession. La croissance du PIB au deuxième trimestre a été modérée, avec un chiffre annualisé de 1.4% publié fin juin, qui reflète une consommation intérieure robuste mais une baisse des investissements des entreprises. Le marché du travail reste résilient, bien que le rythme des nouvelles créations d’emplois ait ralenti. Les marchés boursiers américains ont été volatils, mais ont clôturé le trimestre en hausse +3% en moyenne, mais toujours très largement soutenus par les bons résultats trimestriels des grandes entreprises technologiques. En Europe, la situation économique est plus contrastée avec une résurgence du risque politique dans certains pays. Un risque spécifique lié aux élections législatives en France et au Royaume-Unis impacte d’ores-et-déjà le coût de financement, et donc le taux d’intérêt de ces pays.

A plus large échelle, l’isolement de la zone Euro face aux conflits en cours à ses frontières n’est pas de nature à inverser une tendance défavorable qui voit les capitaux internationaux se refuser à elle, au bénéfice des Etats-Unis en premier lieu. L’Euro, véritable variable d’ajustement des investisseurs est attendu sous pression pour plusieurs mois encore. Les investissements reculent et le moral des dirigeants s’infléchit fortement. Malgré tout, la Banque centrale européenne a décidé de baisser ses taux d’intérêt en réponse au recul de l’inflation et pour éviter de faire perdurer une séquence de répression financière susceptible de précipiter certaines économies plus fragiles en récession.

Les marchés boursiers européens ont connu des performances mitigées sur le trimestre (-3.5% pour l’indice Eurostoxx50), avec des secteurs industriels et financiers plus lourdement sanctionnés par les marchés financiers. En Asie, la Chine continue de faire face à des défis économiques importants. La croissance a ralenti à 4,3 % au deuxième trimestre, en grande partie en raison d’une demande intérieure plus faible et de tensions commerciales persistantes avec les États-Unis. Les autorités chinoises ont introduit des mesures de stimulation économique pour soutenir la croissance, mais les résultats à court terme restent incertains. Ainsi, la reprise boursière qui s’était manifestée au premier trimestre peine à trouve un second souffle.

Au cours du trimestre, le marché suisse retrouve une certaine vigueur, porté par un retour en grâce de ses valeurs phares, et notamment ROCHE, mais surtout soutenu par une politique monétaire accommodante. En effet, pour contrer le franc fort, la Banque Nationale Suisse a surpris les investisseurs en réduisant une seconde fois de suite son taux directeur. Pour ce faire, la Suisse peut s’appuyer sur une situation économique très favorable de plein emploi et d’inflation parfaitement maitrisée, revenue sous la barre des 2%.

Dans ce contexte, notre scénario d’investissement garde un certain optimisme et s’appuie sur des portefeuilles robustes et performants. Nous continuons de privilégier une diversification géographique et sectorielle pour atténuer les risques spécifiques. Notre préférence aux Etats-Unis et à la Suisse que nous avons initiée dès l’année dernière est validée par les récents évènements politiques européens, qui vont, sans nul doute, entraver les perspectives de reprise économique de la zone Euro pour plusieurs mois encore. Les actions de haute qualité et les obligations d’entreprises bien notées restent des piliers de notre portefeuille. Le principal risque que nous identifions à ce stade, hors éléments de détérioration politique et géopolitique, est l’occurrence d’une période de stagflation, synonyme d’une croissance en recul et d’une inflation persistante. Corollaire de ce scénario, les banques centrales seraient dans l’incapacité de baisser davantage leur taux d’intérêt, et seraient même susceptibles de les remonter temporairement. Cette situation serait de nature à fortement déstabiliser les marchés financiers en rappelant aux mauvais souvenirs de 2022, via un accroissement de corrélation entre les segments des actions et obligations au sein des portefeuilles.

Pour nous prémunir de ce risque, d’importantes décisions de gestion ont été prises ces derniers mois. Au premier trimestre de l’année, nous avons terminé le travail de diversification de nos portefeuilles en renforçant nos allocations aux infrastructures notamment, en intégrant des éléments de couverture dans nos grilles (TIPS, expositions optionnelles), et en prenant des profits sur certains secteurs s’étant fortement appréciés (le luxe en particulier).

Au cours du second trimestre, nous nous sommes concentrés sur des ajustements au sein de la poche actions. Dans les faits, nous avons renforcé la dynamique de rotation sectorielle dans la poche des actions en augmentant le poids de certains titres value et défensifs, mais également en intégrant une exposition aux petites et moyennes capitalisations américaines. Cet ajout a deux objectifs.

Le premier vise à profiter des valorisations de ce segment restées très en retrait du rebond des autres poches de marchés, principalement du fait d’un impact plus fort des taux élevés sur les plus petites entreprises.

Le second élément vise à anticiper l’hypothèse d’une Présidence Trump qui favoriserait un certain recours au protectionnisme, et une prime pour l’économie domestique américaine. Notons que cette dynamique est d’ores-et-déjà en place sous l’Administration actuelle avec des déficits (politique de l’offre) et des mesures de rétorsion face à la Chine (barrières douanières sur les voitures électriques), qui nous font dire que le choix de l’un ou l’autre des deux candidats à la Présidence, ne devrait pas amener à des politiques économiques diamétralement opposées cette fois-ci.

A l’aube du troisième trimestre de l’année, nous considérons qu’il est raisonnable de tenir un portefeuille investi, tout en continuant d’opérer une gestion active incluant certaines prises de profits là où l’optimisme des investisseurs peut paraitre excessif. A la marge des portefeuilles nous maintenons une poche de liquidités dans l’hypothèse d’un retour de la volatilité qui nous permettrait de renforcer tactiquement nos allocations, et en premier lieu dans les segments des produits structurés et du crédit high yield.

Partager cette publication
URL de partage
Précédent

Élections législatives: ce qui fait peur et ce qui rassure les marchés

Suivant

L’ESG gagne du terrain : 62% des conseillers financiers intègrent les investissements durables

Accès Premium actif !

Vous avez désormais accès à toutes les publications Premium.