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« Une fin d’année sur la ligne de crête » : l’analyse de Sébastien Leutwyler, Capitalium

Sébastien Leutwyler, CIO, Capitalium

Alors que l’année 2024 approche de son terme, Sébastien Leutwyler, CIO chez Capitalium, revient sur les enjeux clés qui pourraient façonner les derniers mois des marchés financiers. Entre les ajustements monétaires des grandes banques centrales, la résilience de l’économie mondiale, et les récents développements en Chine, cette analyse offre un regard éclairé sur les perspectives de cette fin d’année.


L’arrivée de l’automne coïncide avec la dernière ligne droite de l’année pour les marchés financiers. En toile de fond, l’espoir de voir se réaliser un nouveau « rallye de fin d’année » n’est jamais bien loin. Mais les circonstances actuelles sont-elles de nature à favoriser ce scénario tant espéré des investisseurs ? Revenons sur les principaux éléments susceptibles de façonner la dynamique du dernier trimestre.


Les marchés financiers s’appuient sur un narratif solide


Le scénario d’un atterrissage en douceur (soft landing) de l’économie américaine semble gagner en crédibilité au fil des semaines. Aux manettes, la Réserve Fédérale Américaine (FED) a infléchi pour la première fois sa politique de taux d’intérêt courant septembre. A l’exception du Japon qui suit une trajectoire monétaire très différente, les EtatsUnis ont ainsi été la dernière économie des principaux blocs mondiaux à pivoter (comme l’illustre le graphique ci-dessous qui reprend l’évolution des taux directeurs des principales banques centrales de la planète).

Par conséquent, l’économie mondiale bénéficie désormais de la dynamique généralisée d’un assouplissement monétaire. Ce contexte doit favoriser le crédit en réduisant la pression sur le coût de la dette (y compris les emprunts hypothécaires) et relancer le cycle des liquidités en permettant aux montants colossaux d’épargne qui se sont accumulés sur les comptes bancaires et les fonds monétaires (env. USD 6.2tr), de retrouver la voie de l’investissement (sur les marchés boursiers pour les privés et dans l’outil de production pour les entreprises). Rappelons à ce stade, que l’intérêt accordé par les investisseurs à la décision de la FED n’est pas le fruit du hasard. Le consommateur américain représente 30% de la consommation mondiale, la taille de la capitalisation boursière américaine env. 65% de celle du monde entier, et le dollar américain reste toujours la première devise en matière d’épargne avec un poids d’env. 60% des réserves de change. Par conséquent, le point de bascule monétaire de l’économie mondiale n’aura été effectif, qu’à la suite de l’annonce de l’institution américaine.

Cette normalisation du cycle monétaire intervient dans un contexte global qui valide une résilience de la croissance mondiale et une tendance avérée à une baisse de l’inflation. Le feu vert à la baisse de 50 points de base des taux américains est venu de données démontrant une fragilisation du marché de l’emploi, validant ainsi une première fenêtre de tir pour agir. La question qui persiste à l’esprit des investisseurs est de savoir si ces baisses de taux d’intérêt interviennent au bon moment, ou trop tardivement, alors que l’on sait que l’inertie du marché de l’emploi tend à réagir en retard par rapport aux annonces de politiques monétaires. Deux options se dessinent à ce stade : Les optimistes considèrent que l’économie américaine devrait certes ralentir, mais éviter la récession. C’est le fameux scénario du soft landing évoqué précédemment. Cette configuration est celle qui avait prévalu aumilieu des années 90 sous la présidence de Bill Clinton, et valu aux marchés financiers de traverser ce cycle sans encombre. Les pessimistes rappellent, quant à eux, que rares sont les épisodes de baisses de taux d’intérêt qui ne coïncident pas avec l’avènement d’une récession dans les mois qui suivent et, par ricochet, une baisse marquée des marchés financiers. Comme l’illustre le graphique ci-dessous qui reprend l’évolution de l’indice américain des actions S&P500 (ligne grise) et celles des taux d’intérêt fixés par la FED (ligne rouge), la récession paraît plus souvent être la règle que l’exception.

Cela dit, il faut reconnaître que si nous entrons dans une période de croissance inférieure au potentiel, le consensus optimiste des investisseurs qui prévaut,s’inscrit sur plusieurs éléments crédibles parmi lesquels nous pouvons citer pêle-mêle la nature saine du bilan des banques, la faiblesse de l’USD, la baisse des matières premières et l’effet bénéfique sur les marges des entreprises de la baisse de l’inflation et de celle des taux sur le coût de la dette. Autant d’éléments qui tendent à valider la thèse d’une transition douce de nos économies d’un cycle vers l’autre. Au sein des actions, les facteurs de qualité et de croissance devraient permettre au phénomène de rotation sectorielle de se maintenir. Pour ce qui est des positions en obligations, les portefeuilles actuels profitent d’un portage favorable et la classe d‘actifs entame une séquence qui devrait enfin lui permettre de délivrer une performance sur les hauts de la fourchette, tout en retrouvant ses caractéristiques défensives, et décorrélées du marché des actions.


La solution à ce dilemme viendra-t-elle de la Chine ?


Comme souvent dans les moments de bascule, les investisseurs recherchent les relais de croissance susceptibles de servir de catalyseurs à la gestion. Et contre toute attente, l’espoir pourrait venir de la Chine. En effet, impossible d’aborder ce bulletin sans évoquer les récents développements qui affectent la seconde économie de la planète.

Engluée depuis trois ans dans une crise politique, démographique et immobilière, la Chine navigue depuis plusieurs trimestres à contre-courant de ses pairs avec une économie fonctionnant au ralenti et un cycle déflationniste persistant. Ces symptômes sont la conséquence de l’échec de la Chine à durablement transformer son économie, mettant à jour la dépendance de sa croissance à certains facteurs que sont l’immobilier et les exportations. Jusqu’à présent, la Chine s’était refusée à contrer ce problème en déployant des plans de relance monétaires et fiscaux, comme ce fut le cas par le passé, préférant donner le temps à sa croissance domestique de faire son œuvre. Face à l’urgence de la situation économique du pays, la solution court-termiste d’un nouveau plan « bazooka » s’est donc imposée.

Fin septembre, les institutions chinoises (banque centrale et Politburo entre autres) se sont coordonnées dans l’annonce d’un plan de relance équivalent à 3.5% du PIB du pays. Celui-ci englobe des mesures de toutes natures, couvrant baisses de taux directeurs, baisses de taux hypothécaires, baisses des fonds propres nécessaires à l’acquisition d’un bien immobilier, baisses des ratios de liquidités des banques, injections directes sur les marchés boursiers, réforme des retraites et autres mesures d’incitations fiscales. Les conséquences de ces annonces se sont immédiatement répercutées sur l’indice chinois des actions (CSI300) avec une hausse de +20% sur les derniers dix jours du trimestre. Cela dit, après 3 années consécutives de baisses, le marché des actions chinoises reste toujours très décoté par rapport à ses pairs internationaux avec une valorisation exprimée par le rapport prix / bénéfices moyen à 12-mois de son indice à 11.5x contre 23x pour l’indice américain S&P500. L’envolée du marché chinois redonne des couleurs à la valorisation d’entreprises sensibles à la consommation chinoise, à l’image du secteur du luxe, et de titres comme LVMH ou HERMES. A plus long terme, le niveau actuel de l’indice chinois reste toutefois encore très en retrait (-30%) de ses points hauts atteints en 2021 dans un environnement post-Covid.

Source Capitalium

Si le rebond boursier est sans conteste spectaculaire, et à l’image d’un package de mesures aux contours historiques, les effets à long terme de cette politique de relance ne devraient pas permettre de rassurer sur les problèmes endémiques de l’économie chinoise, si fortement affectée par des enjeux démographiques (vieillissement de la population), sociétaux (chômage des jeunes), ou entrepreneuriaux (perte de confiance après les purges opérées il y a 3 ans sur le secteur privé et qui a fait fuir du pays les jeunes entrepreneurs). De plus, à court terme, pèsenttoujours sur la Chine les conséquences d’une possible élection du candidat Trump, que l’on sait adepte de mesures protectionnistes d’ampleur, et notamment à l’égard des entreprises chinoises.


Et la Suisse dans tout ça ?


De son côté, la Suisse économique continue de surprendre positivement avec la confirmation d’une croissance attendue solidement ancrée autour de 1% cette année, et une inflation anticipée à un niveau de 1.2%. Ces chiffres permettent à la Banque Nationale Suisse (BNS) d’initier une troisième baisse consécutive de son taux directeur, passé de 1.75% à 1% depuis mars de cette année. Ces baisses ont pour but premier de stabiliser la force du franc suisse. Cependant, si le franc fort affecte la compétitivité de nos entreprises, il est un barrage efficace à l’importation de l’inflation sur notre économie. Ainsi la situation actuelle paraît proposer un point neutre qui convient à l’ensemble des acteurs de l’économie suisse.

La répercussion de ces bons chiffres macroéconomiques peine cependant à se transposer sur l’indice boursier national (SMI) qui reste stable sur le trimestre. En effet, les poids lourds de la cote semblent se relayer pour enchainer les contreperformances. Si ROCHE a réussi à inverser la mauvaise tendance du début d’année sur le T3, NESTLE perd plus de dix pour cent sur le trimestre, englué dans ses problématiques de croissance en même temps qu’intervient un changement de Directeur général à sa tête. Les bons élèves sont à chercher du côté de sociétés plus cycliques, profitant plus directement de la chute des matières premières, à l’image de GIVAUDAN, en forte hausse à fin septembre.


Notre politique de gestion reste concernée par les facteurs de volatilité


Du côté des portefeuilles gérés par Capitalium, nous capitalisons sur les changements opérés au printemps et à l’été. Pour rappel, au second trimestre, nous avions renforcé nos expositions aux segments du private equity et de l’infrastructure, afin de renforcer l’assise de nos portefeuilles dans l’hypothèse d’un regain de volatilité sur la fin d’année. Ce choix nous a astreint à une sous-performance relative du fait d’un sous-investissement de nos portefeuilles sur le second trimestre. Cet écart relatif en notre défaveur s’est quasi comblé sur le troisième trimestre avec la très bonne performance de plusieurs biais tactiques de nos allocations (petites et moyennes capitalisations américaines, exposition à la Chine, initiation de produits structurés à fort rendement sur le pic de volatilité de début août). Nous anticipons que le repositionnement stratégique délivre pleinement son potentiel au T4.

Ainsi, nous considérons que l’exposition actuelle de notre gestion correspond aux enjeux et aux incertitudes auxquelles nous faisons face, avec une participation à la hausse de nos portefeuilles en ligne avec nos concurrents, mais une conscience toujours aigüe de l’exigence de protéger les allocations à la baisse, comme la performance de notre gestion a pu le démontrer une nouvelle fois dans des marchés très chahutés début août.Dans les détails, nous maintenons une nature optionnelle dans notre gestion, que nous justifions par les éléments de risque suivants:

  • 1. Le risque géopolitique redevient une variable tangible de la perception du risque, telle qu’elle est valorisée par les investisseurs. L’extension du conflit au Moyen-Orient en fin de trimestre fait remonter le prix du baril, et avec lui, le reste des matières premières. La sensibilité de l’inflation à la variable énergétique est importante, et notamment pour l’Europe. Le ralentissement cyclique actuellement à l’œuvre en Allemagne, et à plus large échelle sur le Vieux-Continent, pourrait en pâtir. Cette hypothèse viendrait à remettre une incertitude sur la trajectoire des baisses de taux de la Banque Centrale Européenne (BCE) actuellement en vigueur. Notre prudence reste donc de mise sur la zone européenne, au sens large pour les actions et sur la duration pour ce qui concerne les obligations;
  • 2. Concernant la Chine, les hausses récentes sont relayées par des effets d’aubaine, des rattrapages de sousallocation et les gestions quantitatives qui se ruent sur le momentum ainsi créé sur les bourses. A moyen terme, il conviendra d’ancrer ces mesures dans des éléments tangibles, à savoir une réelle reprise des carnets de commandes des entreprises chinoises pour les biens et services internationaux. A cette incertitude s’ajoute l’hypothèse d’une présidence Trump, précédemment citée, qui pourrait mettre un coup d’arrêt à l’envolée chinoise. Il convient donc d’attendre un peu avant de faire de la Chine le relais de croissance des marchés financiers pour les 12 prochains mois;
  • 3. La saison de publication des résultats au T3 sera clé dans la résilience des marchés. Les attentes de croissances bénéficiaires sont élevées et le travail de maintien des marges a globalement été un succès de la part des entreprises qui ont significativement comprimé leurs coûts. En revanche, les volumes de ventes stagnent. De fait, les projections pour 2025 vont être scrutées en même temps que l’euphorie du « tout intelligence artificielle » se tarit. Il faudra du tangible et du concret pour garantir les expansions de multiples, un critère loin d’être garanti ;
  • 4. Finalement, concernant les options sur la trajectoire économique américaine, le consensus, et donc les valorisations boursières valorisent sans détour l’occurrence d’une résilience de l’économie américaine. La valorisation des actifs financiers (marchés des actions élevés, prime de risque de défaut très comprimée sur les obligations, prix de l’immobilier élevé) ne laisse pas beaucoup de place à une déception sur le scénario. De plus, la course à la Maison-Blanche reste serrée, et les mesures programmatiques des deux candidats seront, elles aussi, une source de tension pour les investisseurs qu’il conviendra d’intégrer dans leurs conséquences budgétaires et fiscales.

Pour toutes ces raisons, nous gardons un optimisme emprunt de réalisme. Nous appelons de nos vœux le sacrosaint rallye de décembre, mais considérons que le chemin qui nous sépare des Fêtes risque bien de se montrer un peu plus mouvementé que ne le laisse penser la sérénité actuelle des investisseurs.

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